Sécurité
8.06.2022

Guerre en Ukraine : le chancelier allemand, Olaf Scholz, sommé d’accélérer les livraisons d’armes

Les critiques se multiplient à Berlin et à Kiev contre les lenteurs et les atermoiements concernant le soutien militaire à l’Ukraine.

Guerre en Ukraine : le chancelier allemand, Olaf Scholz, sommé d’accélérer les livraisons d’armes

Kiev perd patience face à Berlin. « Il y a des pays dont nous attendons qu’ils nous livrent des armes. Et il y a des pays dont nous sommes fatigués d’attendre qu’ils nous en livrent. L’Allemagne appartient au second groupe », a déclaré, lundi 30 mai, le ministre ukrainien des affaires étrangères, Dmytro Kuleba, au quotidien italien La Repubblica.

Ces déclarations font suite à une enquête, parue dimanche 29, dans Die Welt,affirmant que « le gouvernement allemand a réduit à un niveau minimum son soutien militaire à l’Ukraine au cours des neuf dernières semaines ». Selon le quotidien allemand, Berlin n’a procédé qu’à deux livraisons groupées d’armements à destination, entre le 30 mars et le 26 mai, et celles-ci n’ont concerné que du matériel léger : trois mille mines antichars, mille six cents mines directionnelles, deux mille grenades pour lance-roquettes Panzerfaust, mille cinq cents missiles antiaériens Strela, des grenades à main, du cordeau détonant et des pièces de rechange pour mitrailleuses.

En revanche, les armes lourdes pour la fourniture desquelles le Bundestag a donné son accord, le 28 avril, se font toujours attendre. C’est en particulier le cas des chars Gepard, équipés pour la lutte antiaérienne. Sur les trente véhicules que l’Allemagne a promis, fin avril, de livrer à l’Ukraine, les quinze premiers ne devraient arriver sur place qu’à la fin du mois de juillet, les quinze autres seulement fin août. Pour justifier de tels délais, le chancelier social-démocrate, Olaf Scholz (SPD), a expliqué, le 17 mai, qu’il s’agissait du temps nécessaire pour « équiper » les chars en question. Selon Die Welt, la vraie raison serait la suivante : pour que les soldats ukrainiens puissent utiliser les Gepard, ils doivent recevoir une formation de cinq semaines. Or celle-ci n’est censée débuter que le 13 juin, soit un mois et demi après que l’Allemagne a donné son feu vert à la livraison des chars.

Tempête politique

Le gouvernement ukrainien n’est pas le seul à trouver le temps long. Dans sa propre coalition, M. Scholz est également sommé de passer à la vitesse supérieure. « Nous devons de toute urgence accélérer les livraisons d’armes lourdes à l’Ukraine, a ainsi déclaré le président (Vert) de la commission des affaires européennes du Bundestag, Anton Hofreiter, vendredi 27 mai, au site d’information T-Online. Pourquoi, par exemple, n’envoyons-nous pas de chars Marder ? Cela mérite une explication, dans la mesure où nos industriels disent pouvoir en fournir plus d’une centaine et que la Bundeswehr peut en mettre une trentaine à disposition. »

Dimanche 22 mai, la secrétaire d’Etat à la défense, Siemtje Möller (SPD), avait affirmé qu’« il était convenu au sein de l’OTAN de ne livrer [à l’Ukraine] aucun véhicule blindé de combat de fabrication occidentale ». Ses propos ont déclenché une petite tempête politique en Allemagne, plusieurs élus de l’opposition – mais aussi de la majorité – se disant scandalisés de n’avoir jamais entendu parler d’un tel « accord ». Mme Möller a ensuite rétropédalé, assurant qu’elle avait seulement décrit un état de fait et qu’il n’y avait pas d’accord stricto sensu stipulant que l’OTAN était opposée à l’envoi d’armes lourdes à l’Ukraine.

Politique « honteuse »

« L’Ukraine a raison d’être en colère contre l’Allemagne », titrait le quotidien Der Tagesspiegel, lundi 30 mai, qualifiant de « honteuse » la politique de Berlin en matière de livraisons d’armes. « Scholz ruine l’image de l’Allemagne », accusait, la veille, la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Alors qu’un accord a été trouvé entre la majorité et l’opposition conservatrice, dimanche 29, sur le « fonds spécial » de 100 milliards d’euros en faveur de la Bundeswehr promis par le chancelier, fin février, le gouvernement allemand ne parvient pas à tirer politiquement profit de cette décision historique. Au contraire : ses atermoiements concernant les livraisons d’armes lourdes, ajoutés au fait que M. Scholz ne se soit toujours pas rendu à Kiev, depuis le début de la guerre – seule la ministre des affaires étrangères, Annalena Baerbock, a fait le déplacement, le 10 mai –, confortent ceux qui accusent l’Allemagne de ne pas faire le maximum pour soutenir l’Ukraine, par souci de ménager ses relations avec la Russie et ne pas se laisser entraîner dans une confrontation directe avec Moscou.

Même au sein de la coalition au pouvoir à Berlin, des voix s’élèvent pour réclamer de M. Scholz qu’il clarifie sa position vis-à-vis de l’Ukraine et que les livraisons d’armes fassent l’objet d’une meilleure coordination de la part de la chancellerie. La députée (FDP, Libéraux) Marie-Agnes Strack-Zimmermann, présidente de la commission de la défense du Bundestag, l’a fait savoir, samedi 28 mai, dans un entretien au groupe de presse RND : « La confusion crée des malentendus. Au final, nous donnons l’impression que nous appuyons sur la pédale de frein et nous perdons la face. Il faut vraiment que nous nous organisions autrement. »



Article original: https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/31/guerre-en-ukraine-le-chancelier-allemand-olaf-scholz-somme-d-accelerer-les-livraisons-d-armes_6128334_3210.html
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